Parce que j’aimerais qu’écologie rime avec liberté. Parce que les nouveaux récits doivent être créatifs. Parce que sortir du cadre est un challenge autant qu’un pur plaisir. Et parce qu’un peu de poésie, “ça peut pas faire de mal”… J’ai posé quelques mots sur mon chemin de liberté…

Introduction. Ligne de départ. Je prends mon élan : j’aimerais écrire sur la liberté. Mais sans tourner en rond autour de banalités. Tourniquet de l’esprit. Lieux communs dans lieux publics. Le tourniquet tourne trop vite. J’en ai mal au cœur, je descends, titube, circonvolutions. Le chemin serpente, et de la révolution il me faut passer à autre chose, prendre la tangente. Tourner la page.

Car, voyez-vous, je suis arrivée à la liberté par le haut. Par le ciel. De trop haut. Le grand idéal. Boum. La chute n’en fut que plus belle. Mais je n’abandonne pas. Je remonte la pente comme une enfant le toboggan. Je suis mon ambition comme ma bonne étoile. « On ne prend pas le toboggan à l’envers ! » crie la maîtresse. Mon regard se renverse. Et pourquoi pas ? Bien sûr que si. Si les toboggans n’existaient pas pour être remontés à l’envers, les toboggans n’existeraient pas. Liberté, poil à gratter.

Si ce n’est pas une révolution, ce sera au moins un changement de cap, pleins gaz sur la ligne courbe ! Je reprends le fil, fil tors, fil rebelle, il n’en fait qu’à sa tête dans les nuages. Il s’élève, mais pas trop haut, chat échaudé se garde un fil à la patte. Il flotte entre deux eaux, mollement, il retombe, et moi avec lui, je chute lentement, sans un bruit, je chute, chut ! jusqu’à l’amas moelleux des bulles entassées là, chaudement, dans le coin d’une page. Je pourrais rester là, oublier pour toujours mes rêves de liberté, me laisser fondre et pelotonner dans ce petit coin douillet, mais au sommet de la plus haute des bulles, il y a la panthère noire qui me regarde. Et elle attend.

Écrire la liberté, peindre la liberté, oser la liberté, c’est comme chercher la lumière au milieu d’une épaisse forêt de sapins. C’est rugueux. Ça pique. Il faut grimper, regarder au-delà de ce que l’on voit trop. Avancer lentement, point par point seulement. Le lourd nappage du conformisme dégouline et m’ensevelit parfois. C’est sucré, rond, comme une évidence. Mais le confort m’use, il est écœurant et je remonte, sors la tête du sirupeux, encore ensuquée. Qu’il est loin, merde ! le point de l’infini !

J’avance malgré tout, les carrefours s’enchaînent et je change de direction, j’avance, mais reviens au même point. Je vois l’autre chemin mais je ne l’atteins pas. Est-il si différent de celui-là ? Verte forêt et forêt verte. Verts sapins et sapins verts. La boucle se boucle et se referme sur moi, encore une fois. Revoilà les bulles joyeuses et savonneuses, gluantes et poisseuses.

« Savoir, c’est être libre », dit la maîtresse. Moi je voudrais avoir le choix. Savoir, ne pas savoir, goûter parfois à l’insouciance de l’ignorance. Sauter à pieds joints sur le trampoline de la vie, sans savoir de quoi demain sera fait. Oser les chemins de traverse, prendre l’échangeur pour mieux quitter la large route, la nationale, la départementale, s’arrêter en rase campagne.

Ici, on voit les étoiles. On danse en spirale. Le vent chasse les nuages et quand on tourne en rond le rond devient ellipse, tes lips, sur tes lèvres des mots, en dehors de ta bouche des mots, dans la pièce des mots, dans l’espace des mots, petits puis gros, immenses et bientôt partout, énormes et explosifs, ils griffent, chahutent et remettent les pendules à l’heure et l’heure à la bonne.

Parce qu’il y en a marre, et que les étoiles jetées six pieds sous terre il faut les déterrer et les raccrocher aux nuages, là-haut au-dessus, bien au-dessus de la cime des sapins. Et tant pis pour les écorchures, la boule au ventre et les nœuds au cerveau, la panthère noire les croquera, les mâchera et les recrachera en une bouillie ruisselant jusque dans le sol, et avec un peu de lumière et quelques gouttes de pluie et la patience infinie de la vie, il en poussera des champignons qui relieront les êtres et les possibles, et de nouveaux sapins qui, encore et encore, pointeront dans la bonne direction. Du sol au plafond.

Conclusion. Nouvelle ligne de départ. Tiens bon, suis le champignon, la bulle s’élève. Tiens le bon bout, celui des rêves, des rêves fous. Tiens la corde, poursuis ta route sans craindre les détours. La liberté est là. Juste ici autant que loin là-bas.

Elise Levinson, aka ibrida folia

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